Publications scientifiques

Building a resilient crisis management system – Crisis Response Journal

The nature of crises leads us to propose a conception of resilience based on adaptation to the complex nature of organisations. Being able to have a centralized complex vision of crisis management and being able to deploy it in the different organs of the organisation is a strong lever to increase the resilience of a firm. Through the study of a monography of the French multinational Michelin, we show that this homogeneity is crucial in order to face a multi-layered crisis in a proper way. As organisations will evolve in a degraded mode, having basics but relaying on high sense of flexibility is a guarantee of survivance. Our research (originally published in « Question(s) de Management ») proves that such organisation can be implemented at region, country but also factory level.

https://crisis-response.com/Articles/605975/Raphael_De_Vittoris.aspx

Surmonter les crises – Editions Dunod

Idées reçues et vraies pistes pour les entreprises

Ce livre, basé sur les modèles développés par nos illustres prédécesseurs (Taleb, Perrow, Gilpin & Murphy) propose toutefois de reconsidérer cinq points essentiels trop souvent abordés de manière conditionnées. Sont ainsi défiées les croyances portant sur les signaux faibles, l’importance d’un leader « chef de guerre », la temporalité du phénomène de crise, les bénéfices de la planification et la pratique du retour d’experience.

Et si la crise était devenue la règle  ?
 
Attentats, catastrophes industrielles, pandémie, cyberattaques, cataclysmes boursiers, conflits géopolitiques… La crise est partout. Elle fait partie intégrante du quotidien des entreprises.
 
Jeune discipline, la gestion de crise est devenue un thème central des organisations. La gestion de crise se structure autour de principes considérés comme incontournables, de la reconnaissance des signaux faibles, à l’identification d’un leader «  chef de guerre  », en passant par la sacralisation des retours d’expérience… Pourtant, les principes de gestion de crise ne sont pas si évidents, et encore moins infaillibles. Combien de fois les évènements ont contredit les théories  ?
 
Raphaël de Vittoris s’attache ainsi à mettre à l’épreuve cinq idées reçues pour en proposer un angle de vue plus adapté aux crises modernes. En livrant de véritables pistes de survie, cet ouvrage aidera professionnels, managers et dirigeants à adopter la meilleure posture pour gérer les crises et les surmonter.
 
Il est impossible de gérer le chaos. En revanche, donnez-vous toutes les chances d’y survivre.

« on ne gère pas plus une crise que le chaos, en revanche on peut se donner les chances d’y survivre » Raphaël De Vittoris

Le concept de signal faible est-il réellement pertinent en gestion de crise ?

Harvard Business Review France – 31 mars 2021

Les signaux, y compris faibles, sont une information précieuse en situation de crise. S’ils doivent être pris en compte, ils ne doivent toutefois pas conditionner toutes les décisions.

Le concept de signal faible, développé par Igor Ansoff dans les années 1970, est désormais devenu le parangon de l’anticipation des évènements. C’est ainsi qu’en vue de détecter les crises à venir, nombre d’organisations ont développé des veilles massives d’indicateurs multiples sensés annoncer les remous évènementiels en approche. La veille fait désormais partie de l’arsenal de prévention des organisations. Pour autant, le bénéfice d’une telle approche prospective est-il bien tangible dans un contexte de gestion de crise ?

Selon nombre d’observateurs, le monde est confronté à un nombre croissant de crises. La Deutsche Bank observe un accroissement significatif des crises financières depuis Bretton Woods ; Le Reinsurer MunichRe, le leader mondiale de la réassurance, a enregistré, en 2019, plus de 820 catastrophes naturelles causant des impacts significatifs, soit trois fois plus qu’il y a trente ans ; le total des infections de malwares recensés dans le monde est passé de 12,4 millions à 812,7 millions, entre 2009 et 2018. Ce constat général prouve bien que la culture récente de la chasse aux signaux faibles n’a en rien contribué à éviter significativement l’apparition de crises qui, au contraire, se multiplient.

Autre constat, les conséquences des crises sont de plus en plus significatives. La magnitude des crises environnementales va croissante, l’UNICEF souligne par exemple une augmentation des ouragans de catégories 4 ou 5 dans les Caraïbes, tout comme la World Meteorological Organization constate une augmentation des dégâts liés aux bouleversements climatiques. Le bilan est le même dans le monde financier, selon la Deutsche Bank, ou dans l’univers cyber où les attaques,  dont les conséquences dépassent le million de dollars, ont augmenté de 500% entre 2009 et 2019.

Une information significative est-elle forcément fiable ?

Les crises augmentent donc en nombre et en magnitude alors même que, à la suite de la théorie d’Igor Ansoff, se multiplient les outils de veille des signaux faibles et les prestataires en la matière sur le marché. La question semble donc évidente : quel est le bénéfice réel de tout cet arsenal de monitoring et de sous-traitance face à des crises qui semblent loin d’être évitées ou limitées, mais bien au contraire toujours plus nombreuses et catastrophiques ?

Le concept de signal faible en situation de gestion de crise mérite de passer au filtre de trois questions simples, permettant de sortir de cette mode du monitoring effréné :

– Si la détection et le traitement du signal faible ne permet pas d’éviter la crise, alors à quoi sert-il ?

– Si nous parlons de « signal », cela signifie que l’information est significative. Mais si elle est significative, comment peut-on alors la qualifier de « faible » ?

– Si le signal est véritablement « faible », a-t-on préalablement déjà traité les signaux « forts » ?

En amont du problème de pertinence du concept de signal faible se trouve la problématique de l’induction. En effet, la position inductive d’analyse des crises amène à une sur-considération (probabilistique) de l’influence du passé sur le futur. Cette vision subjective rend inéluctable l’identification a posteriori de crises de plus en plus nombreuses. Ces signaux sembleront immanquablement avoir annoncé les crises qui auront été subies.

La preuve de l’existence des signaux faibles ne pouvant se réaliser qu’a posteriori, nous faisons ici face à un phénomène connu  des sciences cognitives : le biais de narration. Il consiste à juger des éléments a posteriori et de les articuler dans un développement qui nous semble cohérent. En d’autres termes, nous nous racontons les évènements passés d’une manière qui nous semble rationnelle.

Dès 1984, Charles Perrow, qui avait déjà mis en évidence l’inéluctabilité des crises avait noté la particularité des signaux faibles d’être considérés comme tels, uniquement une fois la crise passée. On trouvera toujours, après coup, des Cassandre dédaignées dans l’océan des données…

Des milliers de personnes évacuées

Prenons, par exemple, un cas typique de gestion de crise. Une crise anticipable, aux signaux particulièrement… forts, d’une typologie déjà éprouvée et se déroulant dans le pays le plus puissant du monde avec les meilleurs systèmes de gestion des catastrophes du monde. L’ouragan Katrina. Ce cyclone ayant frappé la Nouvelle Orléans à la fin août 2005, le ministère de la Sécurité intérieure, en charge de la gestion de tels évènements, a réussi l’exploit d’une « litanie de fautes, d’erreurs de jugement, de défaillances et d’absurdités en cascade » malgré un niveau d’alerte maximal déclenché par les services de surveillance météorologiques plus de 56 heures avant et avec la mention d’une « très forte probabilité que 75% de la Nouvelle-Orléans soient inondés » (A Failure of Initiative, Final Report of the Select Bipartisan Committee to Investigate the Preparation for and Response to Hurricane Katrina, US House of Representatives, US Government Printing Office, 15 February 2006, 362 p. + annexes). Cinquante-six heures seulement à partir de la confirmation d’alerte maximale, ça c’est un signal fort. Pour le niveau de faiblesse, il faudrait observer les annonces de probabilité effectuées plus d’une semaine avant. Quid de l’évacuation des milliers de personnes qui se sont vues livrées à elles-mêmes face à l’impensable ? Résultat, 1800 Américains décédés, des dizaines de milliers de personnes déplacées.

Nous ne parlons pas ici de l’explosion de Tchernobyl, tellement difficile à prédire pour les pays sans lien avec l’URSS (l’article de Literatura Oukrainy du 27 mars 1986, paru un mois avant la catastrophe, listait des problèmes majeurs de la centrale ). L’ouragan Katrina était annoncé. Les signaux forts clignotaient sur tous les moniteurs. Et ce fut un fiasco. Face au triste constat que même des signaux forts ne sont pas toujours pris en compte, pourquoi y aurait-il une croyance forcenée dans les signaux faibles ?

Les organes et départements composant l’organisation (qu’elle soit un Etat, une multinationale, une  PME, etc.) interagissent et deviennent de plus en plus interdépendants. Ces interactions génèrent une foule d’informations qui, au lieu de fournir une lecture détaillée de l’état du système ou de l’organisation, noie en réalité l’observateur sous une avalanche de signaux à tous les niveaux possibles. Par ce constat simple, la croyance sincère en la capacité à prévoir les crises grâce à des signaux faibles, si elle peut intuitivement faire sens, revient en réalité à scruter l’océan avec une loupe binoculaire afin de détecter la prochaine tempête à venir, plutôt que de se reposer sur les observations macroscopiques d’un poste de vigie perché en haut du mât. Le réel est tellement vaste, et les variables à observer tellement innombrables, que cette position paraît utopique.

« Penser » comprendre la crise, c’est déjà affronter les évènements

Dans un tel contexte, comment envisager des systèmes de gestion de crise pertinents mais faisant aussi preuve d’anticipation ? La proposition est de développer un système prêt à affronter à peu près tout, informations préalables ou pas. Bien évidemment, l’influx d’informations déterminantes permettra parfois d’anticiper des évènements à venir (veille météorologique, flux des données informatiques, ambiance sociale, etc.). Mais il est fort probable que la prochaine crise frappera sans annonce, ni flash info, que l’organisation devra immédiatement se mettre en ordre de bataille pour affronter un événement qu’elle ne comprendra pas.

L’information préalable, celle qui pourrait inciter à prendre en compte le cataclysme à venir, avant même de parler de réelle « anticipation », si chère aux experts, fournit d’abord un échafaudage cognitif, une construction mentale permettant d’interpréter l’événement. Comprendre ce qui se passe, ou même seulement « penser » comprendre ce qui se passe, en début de crise, est absolument vital. C’est le catalyseur décisif qui suscite l’activation de processus de survie nécessaires à l’organisation, sans risquer les effets délétères de la procrastination, de la sidération et de la panique. En d’autres termes, « penser » comprendre la crise, c’est déjà affronter les évènements.

Si les signaux sont un bien précieux en situation de gestion de crise, il convient toutefois de ne pas miser coûte que coûte sur ces derniers. Ils doivent être considérés comme un bonus inestimable. Un bonus néanmoins. Pas davantage.





Développement de l’expérience à la gestion de crise entre les acteurs civils et privés : Retour d’expérience de la simulation de crise du site Michelin d’Olsztyn (Pologne)

Colloque de l’AIRMAP (Association Internationale de Recherche en Management Public) – Biarritz – juin 2018

Les crises industrielles sont un théâtre tout à fait révélateur des interrelations entres acteurs civils et privés. Ces situations peuvent être considérées comme des opportunités d’apprentissage organisationnel pour un corpus ad hoc composé des acteurs civils et des équipes de l’entreprise impactée et dont la gouvernance est, par conséquent, plurielle. L’analyse de la qualité de la coopération entre les cellules et des décisions et actions prises lors de situations réalistes jouées en temps réel par les véritables acteurs peuvent compléter, par leur qualité de constat empirique, les facteurs théoriques des modèles permettant de considérer les organisations comme « crisis-prone » ou « crisis-prepared ». Ces exercices à échelle réelle sont en outre une voie royale pour un apprentissage par l’expérience, où l’itération essai-erreur-correction difficile à mettre en place en entreprise, devient alors un levier pédagogique majeur du fait qu’il soit le seul à créer concrètement de l’expérience. C’est dans ce contexte qu’une simulation de crise industrielle grandeur nature a été mise au point, animée et analysée auprès de l’usine Michelin de la ville d’Olsztyn (Pologne) et des services d’intervention de la ville.

Evolution of the crisis management system in Michelin North-America

Crises are usually considered through the optic of the consequences they produce (and thus their severity), or the nature of the events leading up to a crisogneic situation. Few studies underline the complex nature of crises which can be seen as a combination of non-linear dynamics impacting upon a complex organization and generating uncertainty and turbulence. Such consideration of the nature of crises leads us to propose a conception of resilience based on adaptation to this complex nature. The Michelin North American Region, one of the most critical regions of the Michelin Group in terms of business, industrial and R&D implementation, and the number of employees, has to be as resilient as possible, in a complexity-oriented vision of crises, in order to be ready to face all potential expected and unexpected crises. In a company currently implementing the most important reorganization of its history, this critical region of the Michelin Group is at the cutting edge of Michelin’s new crisis management organization.

TEMPORALITE DES CRISES : BESOINS D’ECHANGES ENTRE PRATICIENS ET CHERCHEURS

Depuis les catastrophes des années 1970 et 1980, l’actualité nous a amené à considérer les crises potentielles comme un élément constitutif de notre environnement. Si ces évènements nous ont dépeints ces situations comme possibles, les crises des années 2000 et 2010 nous ont révélé qu’elles étaient bien plus probables que nous l’envisagions. Il apparaît que leur magnitude et leur complexité impactaient désormais des écosystèmes complets d’organisations à la fois publiques (voire étatiques) et privées.

Les études scientifiques nous ont apporté une vision de la crise, de sa genèse à sa fin, qui pourrait se traduire par un modèle de développement, que nous qualifierons de « linéaire » dans le présent article, composé de phases consécutives (pré-crise avec signaux faibles, crise avec montée puis diminution de l’intensité, post-crise avec la gestion de la continuité et reprise d’activité).

Adeptes de l’approche dite « complexe » de la crise, nous considérons que les crises sont le produit d’une turbulence, traduite par une dynamique non-linéaire, et donc non-prédictible car non proportionnelle, impactant un système complexe (une organisation) ou multi-complexe (un écosystème d’organisations). La définition que nous proposons ici, s’adapte parfaitement aux crises rencontrées par les grands groupes, et amène à considérer leur temporalité de manière moins linéaire. Le premier aspect de cette non linéarité de la temporalité est incarné par ce qui est couramment appelé « signal faible ». Par consensus, il est admis que les crises se caractérisent par la présence de signaux avant-coureurs qui, s’ils sont captés assez tôt, peuvent permettre un niveau de réaction susceptible de résoudre la situation avant qu’elle ne devienne incontrôlable. Nous challengeons ce postulat pour trois raisons

OPTIMIZING ACQUISITION OF KNOWLEDGE IN CRISIS MANAGEMENT TRAINING

The training of employees in crisis management is more and more considered at the center of the functioning of organizations and brings the problematic of learning at the level of the strategic issues of organizations. The multiplicity of pedagogical levers and learning opportunities offered by current technologies open up a wide range of educational possibilities for companies. In this profusion of knowledge acquisition techniques that can be deployed within the organization, we wonder about the most relevant pedagogical levers to ensure the optimal acquisition and dissemination of knowledge. Can the use of serious game completely replace situations in classroom mode? Can lecture mode trainings be dropped for video tutorials in the organization? We will demonstrate that it is not the nature of the levers as such that make the difference but the sequence of these successive pedagogical actions that would lead to a real acquisition of knowledge.